Une enquête tout juste publiée par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (1) et menée auprès de 33 000 personnes sorties de l’école en 2010 met une nouvelle fois la lumière sur les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes. Si les plus diplômés d’entre eux – et cela nous paraît tout à fait intuitif – s’en sortent mieux que les autres, 22% sont toujours au chômage aujourd’hui, le « plus haut niveau jamais observé ». C’est dans ce contexte que voient le jour des études qui, sans que cela ne constitue une nouveauté (2), revisitent la localisation de l’individu dans sa relation au travail.
Travail 3.0 : l’expression du désir d’autonomie à travers l’exemple du nomadisme professionnel
Pour un article des Échos (3) daté du 10 avril, cette révolution dans le rapport spatial de l’individu à son emploi a un nom : le « travail 3.0 ».
Il s’est classiquement (4) décliné à travers le télétravail qui, aux termes de l’article L1222-9 du Code du travail, s’entend de « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. » Compte tenu toutefois de ce que les technologies de l’information sont au cœur de la définition de cette forme de travail, et que ces dernières ne cessent d’évoluer, on pouvait raisonnablement anticiper que le télétravail ne deviendrait très tôt qu’une des formes du nomadisme professionnel qui s’élargit sans cesse.
Il n’est que de citer la démultiplication des réunions virtuelles dont le développement du co-working et du cloud computing qui facilitent sensiblement l’organisation, et qui supplantent de plus en plus les voyages d’affaires.
Ces évolutions sont plus globalement la manifestation du désir d’autonomie et d’indépendance des individus, qui pousse de nombreuses personnes à se lancer en freelance.
La tentation du freelance
Comme l’exprime le texte de la loi, le télétravail concerne le travail salarié : aussi (spatialement) indépendant soit-il, le travailleur demeure donc juridiquement subordonné à son employeur. Mais pour donner encore plus de sens à leur indépendance, de plus en plus de jeunes s’adonnent au freelance, terme habituellement utilisé pour désigner des personnes qui exercent indépendamment une activité professionnelle.
Quid juris ? Quel est le droit applicable à cette nouvelle espèce de travailleurs ?
Il s’agit surtout d’entreprises individuelles (EI) ce qui comprend :
- le régime des auto-entrepreneurs qui, sauf activités bien spécifiques, est soumis à un chiffre d’affaires maximum de 32 900 € par an ;
- le régime de micro-entreprise qui, plutôt qu’un statut juridique, est en réalité un régime fiscal réservé aux entrepreneurs ayant créé une EI et dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes n’excède pas, en 2014, 82 100 € ou 32 900 € selon la nature de l’activité ;
- le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) qui, sans rentrer dans tous les détails, a ceci de spécifique qu’il n’expose pas le patrimoine personnel du chef d’entreprise et qu’il offre une option à l’IS ;
On trouve aussi des freelances exerçant sous le statut d’EURL, c’est-à-dire la forme unipersonnelle de la SARL et de la SASU, c’est-à-dire la forme unipersonnelle de la SAS.
Citant une étude de l’INSEE (6) un article de 20minutes.fr (7) souligne que parmi les entrepreneurs individuels lato sensu, ce sont « les juristes » qui s’en sortent le mieux. L’on peut raisonnablement penser que cela désigne plus spécifiquement les avocats en profession libérale.
Quant aux auto-entrepreneurs et selon la même étude que cite l’article, leur « niveau de revenu (…) est en moyenne de 5.430 euros annuels » en 2011, en sorte qu’il s’assimile davantage à un revenu accessoire que principal.
Plus globalement, toutes ces catégories ont ceci de commun qu’elles excluent leurs acteurs du bénéfice protecteur du droit du travail salarié ou encore du régime général de sécurité sociale. Au point de douter qu’elles puissent satisfaire sur le plan financier comme juridico-administratif celles et ceux qui, de plus en plus nombreux, se sentent épris de liberté et d’indépendance.
La solution pragmatique du travail porté
À mi-chemin entre le travail spatialement indépendant mais juridiquement subordonné – le télétravailleur – et le travail indépendant stricto sensu, existe le travail porté, subtil dosage d’autonomie et de salariat.
Cette relation de travail hybride permet à celui que l’on appelle le travailleur porté :
- d’exercer son activité en toute autonomie : il facture ses interventions sous la forme d’honoraires
- de s’épargner le traitement administratif, juridique, fiscal et comptable précisément lié à l’activité d’indépendant ou de freelance
- de conserver tous les avantages liés au statut de salarié.
Il permet donc de s’affranchir des aléas juridiques comme administratifs que suppose la création d’une personne morale ou l’inscription comme travailleur indépendant, dans le but de saisir une ou quelques opportunités de missions de conseil sans perdre par voie de conséquence les droits aux ASSEDIC.
Le portage salarial est donc un outil d’adaptation économique qui donne sens à l’autonomie professionnelle.