D’après un sondage mené en ligne par Vivastreet au mois de septembre dernier, plus de 28% des sondés déclarent cumuler un second emploi pour leurs fins de mois. Que nous dit cette tendance haussière ?
La pluriactivité, qu’est-ce que c’est ?
La pluriactivité est un terme provenant à l’origine du secteur agricole. Il désigne lato sensu « l’exercice de plusieurs emplois ou activités professionnelles assurés de façon successive ou simultanée dans l’année par un seul individu2. »
Quelles sont les situations qu’englobe cette acception ?
- Cela désigne tout d’abord le cas somme qui tend à devenir courant du salarié par ailleurs (auto)entrepreneur, ou exerçant plus généralement une activité indépendante en sus de son activité salariée. Il s’agit donc ici de simultanéité ;
- Il y a ensuite la catégorie qui regroupe celles et ceux qui, jamais à la fois mais successivement, ont une activité distincte : c’est par exemple le cas de celui ou celle qui, l’été, travaillerait comme animateur en station balnéaire et qui, le reste de l’année, serait réceptionniste en hôtel. Il s’agit donc ici d’un rapport alternatif à l’activité ;
- Il y a enfin celles et ceux qui, nombreuses et nombreux, ont plusieurs petits boulots à la fois.
Il n’est pas difficile d’imaginer que les cadres se retrouvent, sinon exclusivement, en tout cas très majoritairement dans la première catégorie. Et c’est peut-être là que le bât blesse…
Syndrome d’une précarité croissante ?
Interrogé, le directeur emploi de la société à l’origine du sondage ne passe pas par quatre chemins. Pour lui, « la pluriactivité révèle une précarité du travail de plus en plus répandue ».
L’article le souligne, le parallèle avec les mini-jobs allemands paraît intuitif. Ce dispositif devenu célèbre valorise des formes d’emploi à temps partiel quasiment dispensés de charges sociales et créés au temps des grandes réformes du chancelier Gerard Schröder. Ils sont rémunérés 450 € / mois tout au plus.
Il nous semble toutefois nécessaire de nuancer le parallèle : l’Allemagne vient seulement de se doter d’un salaire minimum, bien loin de l’état du droit français actuel.
En outre, cette forme de travail concerne souvent les métiers de la restauration ou du commerce de détail, et donc, là encore, très peu susceptible de concerner les cadres.
À travers le développement de la pluriactivité des cadres, réelle bien que peu singularisée par le sondage, nous préférons voir là l’expression d’un triple phénomène :
- l’insatisfaction vis-à-vis des rémunérations : bien que le salaire moyen ait été estimé par l’APEC à 54 K€ en 2014, outre l’importante dispersion, ils sont nombreux (la moitié environ) à estimer « que leur rémunération ne reflète pas leur implication pour l’entreprise » ;
- la quête de davantage d’autonomie, avec cette recherche d’un « emploi sur mesure » ;
- la méconnaissance de l’offre des dispositifs existants, bien qu’en nette hausse puisque « plus d’un cadre français sur deux qui connait le portage salarial », le taux de notoriété passant de 42% en 2013 à 52% cette année.
L’engouement corrélatif pour le portage salarial
Cette méconnaissance est d’autant plus regrettable que « lorsque la question porte sur [l’] intérêt, c’est un score important de 87% d’opinions positives que recueille le portage ». D’ailleurs, l’éclatement du marché du travail a un impact concret sur l’engouement pour les « formes d’emploi plus souples », à l’image du portage.
Qu’y trouvent-ils exactement ? Principalement la possibilité de:
- disposer d’une assurance maladie comme tout salarié ;
- cotiser à la retraite. Les formalités de retraite sont d’ailleurs prises en charge par la société de portage. Il s’agit surtout de l’affiliation ainsi que de l’adhésion aux caisses, mais aussi des paiements de cotisations ;
- bénéficier de l’assurance chômage. Depuis cette année, il est d’ailleurs possible de « cumuler un emploi en portage salarial et des indemnisations chômage pendant toute la durée de ses droits. La limite de 15 mois pour les moins de 50 ans ne s’appliquera plus ».
- déléguer la prise en charge administrative, comptable et fiscale.
Soyons clairs et optimistes : les cadres français sont prêts à travailler davantage, et l’engouement que suscite de plus en plus le portage salarial tempère la vision négative de l’éclatement du marché du travail.