Peut-on créer des solutions innovantes sans dépenser beaucoup de ressources ? C’est le principe de l’innovation frugale. Voyons ensemble comment cela se traduit concrètement.
Définition de l’innovation frugale
L’innovation vient tout droit des pays émergents comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Les clients de ces pays disposant d’un pouvoir d’achat limité, il est nécessaire de rendre les nouveaux produits ou services accessibles. Et donc, de réduire les coûts de développement.
L’innovation frugale (ou « Jugaad innovation ») consiste donc à faire mieux et plus avec moins. Elle part du principe que tout problème peut se résoudre avec les moyens disponibles au niveau local.
« L’innovation frugale, c’est l’art de faire mieux avec moins » explique Navi Radjou, expert en innovation frugale. « Son premier principe consiste à valoriser les ressources existantes plutôt que d’en chercher de nouvelles. Un très bon exemple est la start-up grenobloise Dracula qui avait besoin d’une source d’énergie pour alimenter ses capteurs. Plutôt que de miniaturiser des batteries, ils ont eu l’idée d’utiliser l’énergie à disposition, ici la lumière ambiante. La start-up a mis au point un dispositif très simple pour la convertir en énergie. On s’affranchit ainsi des batteries, coûteuses sur le plan écologique, avec une solution durable et peu onéreuse ».
Quelle est la principale différence avec la méthode occidentale ?
L’innovation telle que nous la pratiquons en Occident se base sur une approche « top-down », c’est-à-dire qu’elle est d’abord pensée pour les consommateurs les plus aisés et donc situés au sommet de la pyramide. Ainsi, les ressources utilisées sont rares, permettent la création de produits complexes et entraînent des coûts de fabrication élevés. Cela rend ces innovations inaccessibles pour les personnes situées au bas de la pyramide. Au fur et à mesure, les coûts de fabrication diminuent et ces créations technologiques deviennent alors disponibles, au bout de quelques mois ou années, aux personnes avec un plus faible pouvoir d’achat.
Dans les pays émergents, les innovations ont pour objectif de faciliter la vie des consommateurs disposant de peu ou pas de moyens financiers. Pour cela, ils imaginent et proposent des solutions fonctionnelles, abordables tout en utilisant moins de ressources.
Pourquoi se développe-t-elle en Occident ?
Les personnes qui pratiquent l’innovation frugale souhaitent donner à leurs créations une utilité sociale. De plus, ce sont des profils « débrouillards » qui souhaitent apporter des solutions à ceux qui ont moins tout en veillant à la préservation des ressources. L’innovation frugale s’inscrit ainsi dans le mouvement actuel d’évolution des mentalités.
« Les millennials ne veulent plus que les entreprises polluent moins. Ils veulent aussi des marques qui « réparent » la planète. Nous entrons dans l’ère de l’économie régénératrice. Il ne s’agit plus seulement de concevoir un produit recyclable, mais de l’inscrire dans une démarche profitable pour la planète, de la conception à l’industrialisation » explique Navi Radjou.
L’innovation frugale dans les entreprises
Le concept séduit de plus en plus d’entreprises car il offre la possibilité d’emprunter de nouvelles directions en matière de production et d’organisation. Il permet d’engager les salariés autour d’une vision forte basée sur leur conscience sociale et écologique et la volonté de bâtir quelque chose d’éthique, de durable et d’utile.
Pour l’appliquer au sein des organisations, il est toutefois nécessaire de s’ouvrir à de profils atypiques et à de nouveaux partenaires car l’homogénéité ne permet pas d’aller vers l’innovation frugale. Il faut également éviter de repartir de zéro à chaque fois et de livrer des solutions toutes prêtes sans avoir pris le temps de bien étudier les besoins des clients. La co-construction avec l’utilisateur finale est essentielle afin de produire le strict minimum, ou plutôt le strict nécessaire.