Adoptée en mars dernier, la directive européenne sur la transparence des salaires marque une avancée significative en matière d’équité salariale. Prévue pour une transposition en droit français d’ici juin 2026, elle impose de nouvelles obligations aux entreprises, avec un objectif clair : instaurer davantage de transparence pour garantir une égalité des rémunérations. Stéphanie Lecerf, DRH chez PageGroup, partage les résultats de l’étude « Transparence des salaires : les entreprises sont-elles prêtes pour 2026 ? » et analyse les enjeux de cette transformation pour les entreprises.

 

Quelles mesures impose la directive européenne sur la transparence des salaires ?

La directive introduit des règles strictes pour assurer la transparence dans les entreprises. Dès 100 salariés, les employeurs, qu’ils soient dans le secteur public ou privé, devront :

  • Communiquer les fourchettes salariales des postes proposés avant tout entretien.
  • Informer annuellement les salariés sur la moyenne des salaires dans leur catégorie, ventilée par genre.
  • Justifier objectivement les écarts de rémunération pour des postes de valeur identique ou équivalente.
  • Réaliser des études salariales régulières pour identifier et corriger les inégalités.

Des sanctions sont prévues en cas de non-respect, tandis qu’un accompagnement sera proposé pour faciliter la mise en conformité des entreprises.

 

Un défi de taille pour les entreprises françaises

Selon l’étude menée par PageGroup, près d’une entreprise sur deux méconnaît ou connaît mal les exigences de cette directive. Stéphanie Lecerf explique cette lacune : « Cette directive, bien qu’adoptée au niveau européen, n’a pas encore été transposée en droit français. C’est à ce moment-là que les entreprises en découvriront les détails concrets. »

Anticiper dès maintenant : une stratégie indispensable

Pour éviter un effet de surprise en 2026, les entreprises sont invitées à anticiper en suivant des étapes clés pour se préparer :

  • Conduire des études salariales basées sur des critères objectifs comme l’expérience, le niveau de diplôme ou les responsabilités.
  • Revoir l’architecture des emplois, en la rendant plus claire et structurée.
  • Former les équipes RH et adapter les politiques de recrutement, de gestion des performances et de rémunération.
  • Intégrer les enjeux de diversité, d’équité et d’inclusion dans chaque processus.

Une transformation de la culture d’entreprise

La transparence salariale peut redéfinir la culture organisationnelle en instaurant une relation de confiance entre employeurs et salariés. Stéphanie Lecerf souligne : « La transparence devient un pilier central pour attirer, retenir et développer les talents. Elle renforce la reconnaissance et l’engagement des collaborateurs. »

 

Des avantages concrets pour les entreprises

Une transparence accrue attire davantage de talents et renforce la réputation de l’entreprise. Et en justifiant objectivement les écarts de salaire, les zones d’ombre disparaissent, ce qui apaise les tensions.

En terme d’engagement des employés, la clarté sur les rémunérations est positive. En effet, elle alimente la motivation et la fidélité des salariés.

 

Les résistances possibles à la transparence des salaires et comment les surmonter

L’instauration de la transparence des salaires, bien que porteuse de nombreux avantages, peut provoquer certaines résistances au sein des entreprises. Ces résistances, qui touchent aussi bien les employés que les employeurs, nécessitent une gestion minutieuse pour garantir une transition réussie vers des pratiques plus transparentes.

La publication des rémunérations est souvent perçue comme une intrusion dans la vie privée. Certains salariés redoutent que la communication des salaires, même de manière anonyme ne mène à des comparaisons directes et à des jugements de valeur. Pour éviter toute stigmatisation ou tension entre collègues, il est impératif de garantir un strict anonymat. Les entreprises peuvent, par exemple, publier des fourchettes de rémunération par poste ou par catégorie professionnelle, tout en évitant de fournir des informations permettant d’identifier des individus spécifiques.

Dans les organisations de taille réduite, où le nombre de salariés par poste est limité, la transparence salariale peut engendrer des inquiétudes, voire des tensions. Si les écarts de rémunération sont perçus comme injustifiés, cela peut fragiliser les relations entre collègues et nuire à l’harmonie de l’équipe. Dans ce contexte, il est essentiel d’accompagner les équipes avec une communication adaptée, expliquant les critères objectifs sur lesquels reposent les différences salariales, tels que l’expérience, les compétences ou la performance.

 

L’équilibre entre transparence et méritocratie

Un défi majeur réside dans le maintien de la valorisation des performances individuelles. Selon Stéphanie Lecerf, « lisser les rémunérations sans tenir compte des efforts individuels risque de générer de la frustration. »

 

Des critères d’évaluation clairs et objectifs

Pour répondre aux exigences de la directive européenne, les entreprises doivent instaurer des critères d’évaluation précis afin de justifier les éventuels écarts de rémunération. Ces critères peuvent inclure des éléments mesurables comme le niveau d’expérience, les qualifications académiques, les compétences techniques ou encore le degré de responsabilité dans un poste.

Cette objectivité renforce la légitimité des politiques salariales et évite des perceptions d’injustice, particulièrement sensibles dans un contexte où les inégalités de genre demeurent un enjeu. Un système clair et bien communiqué auprès des salariés permet d’assurer une compréhension partagée et d’instaurer une culture de transparence, tout en facilitant les processus d’audit externe.

 

Récompenser la performance avec transparence

La transparence ne doit pas éclipser la méritocratie. Les augmentations ou promotions liées à la performance individuelle restent des leviers clés pour maintenir l’engagement des collaborateurs. Cependant, pour éviter toute frustration ou suspicion, les entreprises doivent communiquer clairement sur les raisons derrière chaque décision.

En expliquant, par exemple, comment un projet réussi, une prise de responsabilité supplémentaire ou l’atteinte de certains objectifs ont influé sur une augmentation, l’entreprise valorise les efforts individuels tout en montrant sa cohérence. Cette démarche accroît la motivation et crée un environnement où les salariés se sentent reconnus à leur juste valeur.

 

Une révolution dans le recrutement

La transparence des fourchettes de salaires dans les offres d’emploi est une véritable avancée stratégique. Aujourd’hui, 40 % des candidats hésitent à postuler à des annonces sans indication salariale, ce qui freine les entreprises dans leur quête de talents. En publiant ces informations, les recruteurs attirent des profils mieux alignés avec les attentes du poste.

Résultat : un processus de recrutement optimisé, moins de malentendus sur les attentes financières, et des relations employeur-employé plus sereines dès le départ. Cette pratique renforce également la marque employeur en affichant des valeurs d’équité et de transparence.

 

Vers une égalité et une confiance renforcées

Au-delà de ses objectifs d’égalité entre les genres, la transparence des salaires favorise des relations professionnelles plus claires et apaisées. Elle représente une opportunité unique pour les entreprises d’améliorer leur fonctionnement interne, tout en renforçant leur attractivité sur le marché de l’emploi.