Une frange de la population a tenu le pays pendant la pandémie grâce à son travail. Essentiels mais souvent négligés, les « Invisibles » sont des travailleurs et travailleuses, majoritairement issus des secteurs de l’industrie, du commerce, de la restauration et du transport, et constituent les piliers silencieux de notre quotidien. Cette analyse, basée sur la récente étude de la Fondation Travailler Autrement en partenariat avec le Diot-Siaci Institute et Temps Commun réalisée par le cabinet Occurrence, met en lumière leurs réalités et les défis qu’ils affrontent au quotidien.

Les caractéristiques des « Invisibles »

Une population essentielle mais invisible

Les Invisibles représentent une part significative (36,5%) de la population active française. Selon l’étude, ils seraient plus de 11 millions. Ces travailleurs sont principalement des hommes (55%), de niveau Bac, le BEP ou le CAP, et travaillent souvent dans des métiers comme agents d’entretien, aides à domicile, caristes, aides-soignants, vigiles, livreurs, éboueurs, caissières ou encore ouvriers agricoles. Parmi cette population, on distingue 3 catégories : les nouvelles populations ouvrières, les personnes isolées et fragilisées, et les personnes du soin, du lien et de l’éducation.

Ils se sentent majoritairement utiles dans leur métier (93%) et éprouvent du plaisir à exercer leur profession. Cependant, une reconnaissance professionnelle fait cruellement défaut, avec 36% ne ressentant aucune valorisation de leur contribution.

Des conditions de travail pénibles et vie précaire

Les conditions de travail des Invisibles sont souvent difficiles. Parmi les nouvelles populations ouvrières, environ 67% travaillent en horaires irréguliers, 37% exercent des tâches nécessitant des postures pénibles et 41% sont exposés au bruit. Ces conditions contribuent à un sentiment d’épuisement, et 57% ne se voient pas exercer jusqu’à 65 ans dans ces conditions actuelles.

Les contraintes financières sont également omniprésentes. Le revenu mensuel moyen des Invisibles est de 2100€, avec un revenu du foyer total de 2693€. Malgré cela, 23% ne peuvent jamais se permettre de petits plaisirs, et 51% considèrent leurs habitudes de consommation comme une source de frustration. Cette précarité économique impacte directement leur qualité de vie et leur bien-être familial.

Une vie centrée sur la famille

Pour les Invisibles, la vie familiale est au cœur de leur quotidien. Par exemple, plus d’un quart des personnes du soin, du lien et de l’éducation travaillent souvent sous des contrats précaires comme le CDD. De plus, plus de la moitié de ces travailleurs sont actifs les jours fériés ou les week-ends. Leurs absences au travail sont fréquemment justifiées par la garde d’enfants, soulignant la difficulté de concilier vie professionnelle et personnelle.

La monoparentalité : un facteur aggravant tous les autres

L’étude met en avant un facteur amplificateur majeur : la monoparentalité. En France, 73% des femmes qui travaillent et qui gèrent une famille monoparentale appartiennent à la population des Invisibles. La monoparentalité est quatre fois plus élevée chez les Invisibles (et 8 fois plus chez les personnes isolées et fragilisées) que chez les autres actifs, ce qui représente un énorme défi pour ces familles. Les mères isolées, en particulier, se trouvent dans une situation extrêmement précaire, jonglant entre les responsabilités professionnelles et familiales, et les contraintes financières.

Le modèle social actuel n’a pas évolué pour répondre à ces changements, laissant ces familles dans l’angle mort des politiques économiques et sociales. Il est alarmant de constater que 41% des enfants mineurs de ces familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté.

L’urgence d’agir pour une meilleure reconnaissance

La reconnaissance de la situation des Invisibles est essentielle pour lutter contre les inégalités de genre et améliorer les conditions de vie de ces travailleurs. Être à la tête d’une famille monoparentale aujourd’hui ne devrait pas rimer avec précarité, absentéisme et sacrifices personnels. Il est urgent que les pouvoirs publics et les entreprises se saisissent de ce problème pour mettre en place des politiques et des initiatives adaptées.

Des initiatives parlementaires et gouvernementales sont en cours, mais il est primordial de travailler en collaboration pour identifier les besoins réels et développer des solutions efficaces. Les entreprises ont également un rôle clé à jouer en soutenant leurs employés, et notamment ceux concernés par la monoparentalité et en mettant en place des mesures pour améliorer leur bien-être et leur productivité.

Les Invisibles sont les piliers silencieux de notre société. Leur réalité quotidienne, marquée par des conditions de travail difficiles et une grande précarité économique, nécessite une reconnaissance et une action urgentes. La monoparentalité, en particulier, amplifie les défis auxquels ils sont confrontés. Il est impératif que nous trouvions collectivement des solutions pour améliorer leur qualité de vie et leur offrir une existence digne et épanouissante. La Fondation Travailler Autrement appelle à une mobilisation collective pour soutenir ces travailleurs et travailler ensemble à un avenir meilleur pour tous.