Depuis 2022, les français peuvent utiliser leurs tickets-restaurant pour acheter une large gamme de produits alimentaires en supermarché, grâce à une dérogation exceptionnelle. Alors que cette mesure devait prendre fin le 31 décembre, le gouvernement envisage de la prolonger, malgré la forte opposition des restaurateurs. Cette décision, motivée par un désir de soutenir le pouvoir d’achat face à l’inflation, suscite un vif débat entre partisans de la dérogation et ceux qui craignent pour l’avenir du secteur de la restauration.
Une mesure favorable aux consommateurs mais contestée
Une dérogation initialement temporaire pour lutter contre l’inflation
La dérogation autorisant l’utilisation des tickets-restaurant pour l’achat d’une grande variété de produits alimentaires en supermarché a été mise en place en 2022. Cette initiative visait à soulager le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte de forte inflation, qui avait atteint un pic de +5,2 % cette année-là. Avant cette réforme, l’utilisation des tickets-restaurant était restreinte aux produits directement consommables comme les sandwichs, les salades ou encore les fruits et légumes.
Avec l’entrée en vigueur de cette dérogation, presque tous les produits alimentaires, y compris ceux destinés à la préparation des repas familiaux, peuvent être achetés en supermarché à l’aide de ces titres. Cette souplesse a permis aux ménages de mieux gérer leurs dépenses alimentaires, tout en maximisant l’usage des tickets-restaurant dans les grandes surfaces. Un autre changement notable a été l’augmentation du plafond journalier d’utilisation des tickets-restaurant, passant de 19 à 25 euros, offrant ainsi plus de flexibilité aux consommateurs.
Le soutien des consommateurs face à l’opposition des restaurateurs
Cette mesure, très bien accueillie par les consommateurs, a cependant créé un déséquilibre pour les restaurateurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre fin 2022 et le deuxième trimestre 2024, la part des tickets-restaurant utilisée dans les supermarchés est passée de 22,4 % à 30,8 %, tandis que celle captée par les restaurants a chuté de 46,5 % à 40 %. Cette baisse a provoqué la colère des professionnels de la restauration, représentés notamment par l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie (Umih) et le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (SNARR), qui jugent cette dérogation néfaste pour leur secteur.
Les restaurateurs redoutent que cette mesure, annoncée comme temporaire, devienne permanente, ce qui pourrait, selon eux, compromettre la survie de nombreux établissements déjà fragilisés par la crise sanitaire et la hausse des coûts.
Ils estiment que la situation actuelle de l’inflation ne justifie plus une telle dérogation et demandent au gouvernement de revenir sur cette décision pour soutenir les entreprises du secteur.
Vers une prolongation incertaine : les pistes du gouvernement
Des discussions en cours pour trouver un compromis
Face à ces critiques, le gouvernement reste favorable à une prolongation de la dérogation, mais s’engage à examiner les revendications des restaurateurs. Laurence Garnier, secrétaire d’Etat à la consommation, a affirmé qu’une proposition de loi est actuellement à l’étude et que les parlementaires travaillent à sa mise en œuvre. Toutefois, cette prolongation devra être votée avant la fin de l’année pour être effective en 2025.
Dans un souci d’équilibre entre les différents acteurs, le gouvernement envisage également de mettre en place un système de plafonds différenciés, avec un montant quotidien inférieur en grande surface par rapport aux restaurants. Cette idée, portée par le Groupement des hôtelleries et restaurants de France, propose un plafond de 15 euros en supermarché contre 25 euros en restaurant. Cependant, cette mesure pourrait soulever des problèmes juridiques, comme le souligne Laurence Garnier, qui précise qu’un examen par le Conseil d’Etat est nécessaire avant toute décision définitive.
Un dilemme persistant pour le gouvernement
Ce débat met en lumière les divergences entre les besoins des consommateurs et les enjeux économiques pour le secteur de la restauration. D’un côté, les français plébiscitent cette flexibilité qui leur permet de mieux gérer leur budget alimentaire, notamment en période d’inflation. De l’autre, les restaurateurs craignent une baisse continue de la fréquentation de leurs établissements si la part des tickets-restaurant utilisée dans les supermarchés continue d’augmenter.
Le gouvernement, bien que conscient de l’importance de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, semble également prêt à explorer des solutions pour apaiser les restaurateurs, sans pour autant nuire aux consommateurs. La mise en place d’une solution équilibrée, telle que le plafonnement différencié, pourrait ainsi être une réponse pour concilier les attentes de tous les acteurs concernés.
La solution résidera peut-être dans la mise en place de nouveaux plafonds d’utilisation, mais le débat est loin d’être clos. Quelle que soit l’issue de ces discussions, la question est de savoir quelle sera la prochaine étape pour préserver l’équité entre les différents acteurs tout en maintenant le soutien nécessaire au pouvoir d’achat des français.