La question de l’absentéisme et du coût croissant des arrêts maladie refait surface à l’occasion d’une annonce du gouvernement de Michel Barnier qui souhaite la mise en place de jours de carence non indemnisés. D’un côté, cette mesure pourrait renforcer la responsabilisation des salariés ; de l’autre, elle interroge sur les répercussions pour les travailleurs et sur le plan légal. Une chose est sûre, cette idée suscite le débat parmi les parlementaires.
Une réponse à l’explosion des dépenses de la sécurité sociale
Le coût des arrêts maladie a explosé ces dernières années, dépassant les 16 milliards d’euros, avec des conséquences importantes sur les finances de la Sécurité sociale. Face à ce constat, certains députés, notamment issus des rangs de la Droite républicaine et du centre, envisagent des mesures pour freiner cette progression. Parmi ces propositions, la mise en place de jours de carence dits « d’ordre public » est perçue comme un moyen efficace de responsabiliser les salariés et de contenir les dépenses.
Actuellement, les salariés en arrêt maladie peuvent être indemnisés dès le premier jour par leur employeur, bien que la Sécurité sociale intervienne à partir du quatrième jour. L’introduction de jours de carence obligatoires non indemnisés imposerait donc aux salariés de supporter un ou plusieurs jours sans rémunération en cas d’arrêt de courte durée. Cette réforme vise ainsi une réduction des arrêts de travail jugés abusifs, avec l’idée que les salariés seraient moins enclins à demander des arrêts de courte durée s’ils ne sont pas indemnisés immédiatement.
La collaboration entre les parlementaires et le patronat
Cette mesure est soutenue par des députés issus de diverses formations politiques, y compris certains proches du gouvernement actuel de Michel Barnier. Ceux-ci se sont alliés avec le patronat pour défendre l’idée de jours de carence non indemnisés. Les arguments avancés par les élus, comme Charles Sitzenstuhl, soulignent la nécessité d’une « responsabilisation des assurés », en particulier pour les arrêts maladie de courte durée, souvent perçus comme plus facilement sujets à des abus.
Outre la limitation de l’indemnisation des arrêts courts, la mesure inclut une suggestion visant à réduire les actes médicaux inutiles. En effet, si les salariés savent que leurs arrêts maladie de courte durée ne sont pas indemnisés, ils pourraient moins souvent se rendre chez le médecin pour obtenir un certificat médical. Ainsi, en limitant ces actes de consultation, cette réforme pourrait potentiellement contribuer à désengorger les cabinets médicaux.
Débats et enjeux autour de la mise en place de jours de carence non indemnisés
Les aspects juridiques et sociaux en question
Bien que cette mesure puisse représenter une économie significative pour la Sécurité sociale et les entreprises, elle n’est pas sans soulever des questions juridiques. Certains experts soulignent que les jours de carence d’ordre public pourraient contrevenir au principe de liberté de contracter, en empêchant les employeurs de proposer des couvertures supplémentaires pour les premiers jours d’arrêt de leurs salariés.
En parallèle, la Cour des comptes, qui a déjà évoqué cette idée en 2023, pointe le risque de discrimination entre les salariés. En effet, si les fonctionnaires et le secteur privé doivent observer des jours de carence non indemnisés, cela pourrait accentuer les inégalités sociales, les salariés du privé étant généralement moins couverts que leurs homologues de la fonction publique en termes de prestations sociales.
Un impact potentiel sur l’absentéisme
Les partisans de cette réforme avancent également l’argument selon lequel l’instauration de jours de carence pourrait freiner l’absentéisme au sein des entreprises privées. Les centristes, par exemple, estiment qu’en l’absence de compensation financière immédiate, les arrêts maladie de courte durée pourraient diminuer, limitant ainsi les abus potentiels.
Cependant, d’autres voix s’élèvent pour alerter sur les effets négatifs que pourrait entraîner la mise en place de cette mesure. En particulier, les syndicats craignent que les jours de carence n’incitent les salariés malades à travailler malgré leur état, risquant ainsi d’aggraver leur condition et d’affecter leur productivité. La question de la responsabilité individuelle est donc au centre de ce débat, opposant la vision d’un salarié « responsable » et d’un salarié contraint de continuer à travailler malgré une santé dégradée.
Vers une réforme plus large des arrêts maladie ?
En plus des jours de carence, les parlementaires ont également évoqué la possibilité de permettre aux salariés de s’auto-déclarer en arrêt maladie, sans passer par un médecin pour les arrêts ne nécessitant pas d’indemnisation. Cette proposition, soutenue par Thibault Bazin, député de la Droite républicaine, vise à libérer du temps pour les médecins tout en simplifiant les démarches pour les salariés.
Les arrêts maladie autodéclarés représenteraient une solution temporaire pour les petits bobos qui, selon les parlementaires, ne nécessitent pas nécessairement une visite chez le médecin. En revanche, ce système pourrait également présenter des failles, notamment en termes de contrôle et de suivi des arrêts maladie. Certains craignent qu’une telle mesure n’ouvre la porte à des abus, les salariés pouvant facilement auto-déclarer un arrêt sans justification médicale.
Les prochaines semaines seront déterminantes pour observer si cette proposition obtient un soutien suffisant au sein des instances législatives. Dans tous les cas, la question de l’absentéisme reste au cœur des préoccupations de la Sécurité sociale, qui devra trouver des solutions pour alléger le poids financier croissant des arrêts maladie sans pénaliser les salariés en situation de précarité.