Selon une enquête menée par la Quadrature du Net (LQDN), France Travail aurait recours à plusieurs algorithmes pour surveiller et catégoriser les demandeurs d’emploi. D’après l’association de défense des libertés numériques, l’utilisation de ces outils serait susceptible de conduire à un « flicage » des usagers et entraîner une déshumanisation des démarches administratives, remettant ainsi en cause l’esprit initial de la plateforme.

De multiples algorithmes mis en place par France Travail

À la différence de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), dont les recommandations sont contraignantes, les avis de la Quadrature du Net n’ont qu’une portée consultative. Néanmoins, l’expertise de ses membres donne un écho particulier aux enquêtes publiées par l’association.

Dans le cas de France Travail, LQDN dénonce le recours de plus en plus fréquent aux algorithmes pour catégoriser les demandeurs d’emploi.

Depuis 2017, l’organisme étatique s’est associé à Capgemini, géant technologique coté au CAC 40, pour la mise en place d’un outil de détection des fraudes et des escroqueries.

En 2018, les algorithmes se sont enrichis des capacités de l’intelligence artificielle afin d’obtenir d’autres résultats tels que la détection des situations de décrochage, de fragilité ou encore des risques de rupture.

Selon LQDN, chaque personne inscrite en tant que demandeur d’emploi à France Travail est désormais classée par les algorithmes, et non plus par les conseillers comme ce fut le cas auparavant avec Pôle Emploi.

Une déshumanisation de la prise en charge des demandeurs d’emploi

Thibaut Guilluy, patron de France Travail, a déclaré un peu plus tôt que

La mise en place des algorithmes contribue à aider les conseillers à mieux accompagner et orienter les demandeurs d’emploi tout au long de leur parcours de réinsertion sur le marché du travail.

Selon lui,

L’utilisation des programmes d’automatisation respecte la charte d’éthique qui régit l’organisme public.

Cette explication est toutefois loin d’apaiser les inquiétudes de la Quadrature du Net. L’association dénonce sans relâche le recours à ces algorithmes, y voyant

Une déshumanisation de la prise en charge des chômeurs.

En effet, ces outils attribuent des scores en fonction de critères, tels que l’employabilité, le risque de fraude ou le profil psychologique. Cette mécanisation entraîne une perte de la dimension humaine essentielle dans l’accompagnement personnalisé, notamment en occultant le parcours de vie de chaque demandeur d’emploi.

Un « flicage » qui pourrait conduire à la stigmatisation des individus en situation de précarité

Les demandeurs d’emploi les plus vulnérables, notamment les profils peu qualifiés, sont susceptibles d’être les plus stigmatisés.

L’incursion indifférenciée dans la vie privée des utilisateurs à travers l’interprétation des données personnelles enregistrées remet en cause l’efficacité des programmes informatiques.

Parmi les risques associés à cette pratique figure entre autres l’application automatique de sanctions, telles que la suspension des allocations et des autres droits.

Le LQDN dénonce notamment l’interface XP RSA comme un exemple concret du « flicage » des plus précaires par France Travail. Cet outil impose aux bénéficiaires du RSA de renseigner un agenda partagé, détaillant leurs activités horaires, ce qui peut être perçu comme une atteinte à leur liberté et un renforcement des contrôles.

Pas de notation des demandeurs d’emploi, assure le directeur général de France Travail

Face au tollé provoqué par l’enquête de LQDN, le directeur général de France Travail a apporté des clarifications.

Il a formellement démenti toute tentative de notation des demandeurs d’emploi, et réaffirmé l’engagement de l’organisme à accompagner chaque personne dans sa recherche de travail.

Par ailleurs, il a tenu à rassurer les usagers sur le maintien du réseau des 900 agences réparties sur l’ensemble du territoire, écartant ainsi toute perspective de fermeture.