Les entreprises sont un maillon important de la chaîne dans la transition écologique, un enjeu vital pour lutter contre le réchauffement climatique. En France, la loi Grenelle II de 2012 a imposé aux entreprises de plus de 500 employés de réaliser et publier leurs bilans de gaz à effet de serre (GES). Cependant, malgré cette obligation, les résultats sont décevants. Une étude de 2024 menée par Audencia, TBS Education et Columbia University révèle que seulement 53% des entreprises éligibles ont publié au moins un bilan GES entre 2014 et 2021, et parmi celles-ci, 71% ne l’ont mis à jour qu’une seule fois. 

Le faible engagement des entreprises

Les plus grandes et les plus anciennes entreprises, soumises à une pression accrue des parties prenantes, sont les plus susceptibles de publier leurs bilans GES. Cependant, même parmi les industries fortement émettrices, telles que le secteur du transport, à peine 50% des entreprises se conforment à cette obligation. Ce manque de transparence peut être attribué à une réticence à exposer leur contribution au réchauffement climatique et à s’engager sur des objectifs chiffrés de réduction des émissions.

Un autre point critique est la qualité des bilans GES publiés. Alors que les émissions directes (Scope 1) et indirectes liées à l’énergie (Scope 2) sont généralement reportées, seulement 47% des bilans incluent les émissions indirectes (Scope 3), qui représentent pourtant une part significative des émissions totales. Ces émissions, résultant de la chaîne d’approvisionnement et de l’utilisation des produits par les consommateurs, échappent au contrôle direct des entreprises mais sont essentielles pour une évaluation complète de l’empreinte carbone.

Bien que 96% des bilans contiennent des objectifs de réduction pour les émissions Scope 1 et 2, ce chiffre tombe à 46% pour le Scope 3. De plus, les plans de transition manquent souvent de méthodologies scientifiques rigoureuses et de quantifications précises des réductions attendues. Seulement 9% des plans mentionnent une méthodologie scientifique et à peine 2% font référence à un audit externe, ce qui soulève des questions sur la crédibilité et la rigueur des stratégies de réduction d’émissions.

 

Les recommandations face au faible engagement des entreprises

Pour surmonter ces défis, les auteurs ont fait part de 3 recommandations au régulateur.

Les obligations légales se doivent d’être renforcées en rendant la publication des bilans GES réellement obligatoire, avec des contrôles rigoureux et des sanctions sévères pour non-conformité. L’augmentation récente de l’amende à 50 000 euros est une première étape.

Les entreprises doivent être guidées vers l’adoption de méthodologies scientifiques reconnues pour mesurer et quantifier leurs émissions, en particulier pour le Scope 3.

Pour une plus grande transparence, les entreprises doivent être incitées à publier leurs bilans GES non seulement sur le site de l’ADEME mais aussi à les communiquer activement à leurs parties prenantes.

 

Les acteurs locaux et les partenaires sociaux : un rôle de premier plan

Les collectivités locales et les partenaires sociaux sont des acteurs indissociables dans la transition écologique des entreprises. Chaque entreprise doit comprendre ce que signifie la neutralité carbone pour son activité et planifier en conséquence. Cette réflexion doit être partagée avec les parties prenantes, notamment dans le cadre du dialogue social.

La transition écologique doit être équitable, ne laissant personne de côté. Cela implique de soutenir les salariés dans les mutations nécessaires par des formations adaptées et des accompagnements renforcés. Les acteurs publics locaux peuvent favoriser l’anticipation des entreprises et soutenir les projets de reconversion. Des dispositifs visent à anticiper les destructions d’emplois en identifiant les emplois fragilisés et en offrant des droits renforcés aux salariés en transition.

La transition écologique ne se limite pas à des objectifs de réduction d’émissions ; elle implique une réorganisation stratégique profonde des activités des entreprises et une coopération étroite avec l’ensemble des parties prenantes. En adoptant ces mesures, les entreprises pourront non seulement contribuer efficacement à la lutte contre le changement climatique, mais aussi assurer leur durabilité et leur résilience à long terme.