À l’horizon 2030, le monde du travail connaîtra une transformation profonde, portée par des évolutions technologiques, écologiques, sociales et économiques. L’ouvrage prospectif de l’APEC intitulé « 2030. Le travail a changé. Une vision prospective de l’APEC », dirigé par Gilles Gateau, propose une vision éclairée de ce futur proche.

 

Anticiper 2030 : une nécessité stratégique

Se projeter dans le monde du travail de 2030 n’est plus un exercice de science-fiction, mais une démarche nécessaire pour accompagner la transition déjà amorcée. De nombreuses dynamiques, auparavant considérées comme extérieures au marché du travail, sont désormais au cœur des préoccupations professionnelles. L’emploi, les compétences et le recrutement ne peuvent plus être pensés sans intégrer les bouleversements sociétaux et environnementaux.

En anticipant 2030, les entreprises et les travailleurs peuvent s’armer face à l’incertitude et s’adapter avec agilité. Le futur du travail ne sera pas monolithique : il se construira à travers une pluralité de modèles, de parcours et de valeurs.

 

Quatre grands défis structurant le travail de demain

  1. L’accélération technologique et l’intelligence artificielle

L’essor de l’intelligence artificielle et des robots humanoïdes redéfinit déjà certaines professions, notamment dans les secteurs du soin, comme les hôpitaux ou les EHPAD. Ces machines sophistiquées, capables de créer un lien social minimal avec les patients, répondent à la fois à la pénurie de main-d’œuvre et à la hausse des coûts du travail. À l’avenir, les managers devront diriger des équipes hybrides, composées d’humains et de robots, ce qui exigera de nouvelles compétences en gestion et en communication.

  1. La transition écologique

La nécessité de repenser nos modes de production et de consommation influencera profondément le travail. Les entreprises devront intégrer les enjeux environnementaux à leurs stratégies de développement, et les salariés chercheront davantage à s’impliquer dans des projets porteurs de sens et respectueux de la planète. Cette évolution favorisera l’émergence de métiers liés à l’économie circulaire, aux énergies renouvelables et à la sobriété numérique.

  1. Le vieillissement démographique

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les carrières seront plus longues et les profils seniors plus nombreux dans les organisations. Il faudra repenser la formation continue, l’ergonomie des postes et les dispositifs de transmission des savoirs. Le mentoring inversé et le tutorat intergénérationnel pourraient devenir des leviers stratégiques pour renforcer la cohésion et l’apprentissage mutuel.

  1. La transformation du rapport au travail

Le rapport au travail évolue : autonomie, quête de sens et équilibre vie pro/vie perso sont au cœur des attentes. La pluriactivité se développera : de plus en plus de personnes combineront un emploi alimentaire avec une activité porteuse de valeurs, ou une passion personnelle. Cette dynamique sera facilitée par le télétravail et la modularité croissante des missions.

Dans ce contexte, des solutions hybrides comme le portage salarial pourraient jouer un rôle central. Ce statut, à mi-chemin entre salariat et indépendance, permet à des professionnels autonomes de conserver les avantages sociaux d’un salarié tout en exerçant une activité en toute liberté. Le portage salarial pourrait ainsi répondre aux aspirations des travailleurs désireux de sécurité sans renoncer à leur autonomie.

L’économie des plateformes et la fin du salariat classique ?

Le salariat, bien qu’encore dominant, pourrait perdre de sa centralité au profit d’une économie fondée sur les plateformes et l’échange de services. Le lien de subordination s’amenuisera, ouvrant la voie à une plus grande flexibilité géographique et organisationnelle.

Mais à cette aspiration à l’autonomie individuelle répondra un besoin tout aussi fort d’ancrage territorial, de collectif et de repères solides. Cette tension entre liberté et cadre pourrait dessiner un nouveau contrat social du travail. Le portage salarial, en offrant une réponse équilibrée à ces deux exigences, pourrait devenir une voie privilégiée pour de nombreux professionnels qualifiés, notamment dans les métiers du conseil, de la formation ou du numérique.

Santé mentale et bien-être : des indicateurs de performance incontournables

La santé mentale s’imposera comme un enjeu central dans les organisations. Des mesures législatives, comme la création d’un index de bien-être au travail, pourraient être instaurées. Les entreprises seront tenues de mesurer et d’améliorer la santé psychologique de leurs collaborateurs sous peine de sanctions. La qualité de vie au travail deviendra un critère clé de performance et d’attractivité.

Le rôle des managers : vigilance, adaptation et accompagnement

Face à ces mutations, les managers devront actualiser en permanence leurs connaissances et développer une vision éclairée, loin des mirages véhiculés sur les réseaux sociaux. Ils devront dialoguer avec leurs équipes pour comprendre leurs aspirations profondes, identifier les compétences à renforcer, et favoriser l’engagement autour de projets porteurs de sens.

Le management de demain sera nécessairement plus humain, plus souple et plus tourné vers la co-construction. L’intelligence artificielle ne remplacera pas le rôle du manager, mais le complétera, en libérant du temps pour se consacrer à l’essentiel : l’humain.

Rien n’est figé : un avenir en construction

Enfin, il convient de rappeler que rien n’est définitivement écrit. Des retours en arrière sont possibles, à l’image des mouvements conservateurs observés aux États-Unis. En France, la diversité et l’inclusion semblent devoir rester des piliers du futur du travail, mais cette orientation devra être défendue et consolidée face aux aléas politiques, économiques et culturels.