Le travail a longtemps été justifié par des moteurs religieux, politiques et économiques. Ni la promesse du salut après une vie laborieuse, ni l’utopie d’un avenir sans classes, ni la garantie d’une prospérité matérielle croissante ne suffisent à donner du sens au travail. Dans un monde où la subsistance seule ne justifie plus l’effort, il devient impératif de repenser l’idéal collectif du travail. L’essayiste Antoine Foucher propose une voie nouvelle : celle du travail choisi et accompli, qui permet à chacun de se réaliser en transformant le monde. Décryptage.

 

Le déclin des justifications traditionnelles du travail

Depuis des siècles, le travail a reposé sur trois grandes justifications :

La justification religieuse

Travailler était une nécessité imposée par la condition humaine, mais qui trouvait sa récompense dans l’au-delà. Cette vision, profondément ancrée dans la culture chrétienne occidentale, a progressivement perdu son influence avec la sécularisation de nos sociétés.

La justification politique

Le travail était vu comme un moteur de progrès collectif, notamment dans les idéologies marxistes qui promettaient un monde sans inégalités. Or, l’effondrement des grands récits révolutionnaires et la persistance des inégalités ont mis à mal cette vision utopique.

La justification économique

Travailler devait permettre d’améliorer son niveau de vie et d’assurer à ses enfants un avenir meilleur. Pourtant, cette promesse est aujourd’hui remise en question par une stagnation des revenus, une précarisation de l’emploi et une crise du pouvoir d’achat.

Face à l’affaiblissement de ces justifications, une part croissante de la population cherche à subvenir à ses besoins autrement qu’en travaillant : en vivant de rentes, d’héritages ou en partant le plus tôt possible à la retraite. Dès lors, si le travail ne sert plus qu’à assurer une simple subsistance, pourquoi y consacrer son énergie ?

 

Un enjeu stratégique pour l’avenir

Au-delà des considérations philosophiques, la question du travail revêt une dimension stratégique et géopolitique. L’Europe fait face à une concurrence mondiale accrue, notamment de la part des pays asiatiques où les populations sont souvent mieux formées et plus engagées dans le travail.

Si nous voulons préserver notre indépendance et notre modèle social, il est nécessaire de miser sur l’innovation, la formation et la montée en compétences pour rester compétitifs.

 

Le travail choisi : un nouveau modèle à construire

La solution avancée par Antoine Foucher repose sur un changement de paradigme : passer d’un travail subi à un travail choisi, porteur de sens et de réalisation personnelle.

Une meilleure rémunération du travail

Pour redonner au travail sa valeur, il est nécessaire d’en revaloriser la rémunération et de réduire l’écart avec d’autres sources de revenus comme la rente ou l’héritage. Cela pourrait passer par une réforme du financement de la protection sociale, en transférant une partie des charges des travailleurs vers les rentiers et les retraités les plus aisés.

Un travail qui fait sens

L’enjeu est de permettre à chacun de trouver du sens dans son travail. Un emploi choisi, qui correspond aux aspirations et aux compétences de l’individu, devient un vecteur d’accomplissement personnel. Ce modèle repose sur une refonte de l’orientation professionnelle et sur une meilleure adéquation entre formation et marché du travail.

Le travail comme facteur de transformation du monde

L’idée fondamentale derrière cette vision est que le travail permet non seulement de subvenir à ses besoins, mais aussi d’agir sur le monde. C’est dans cette capacité à transformer la réalité que réside l’une des sources les plus profondes de satisfaction humaine.

 

Vers une nouvelle conception du travail

L’idéal collectif du travail pour le XXIe siècle ne doit pas être celui d’une société sans travail, mais bien d’une société où chacun peut travailler par choix et avec fierté. Un tel modèle permettrait de concilier les impératifs économiques avec le bien-être individuel et collectif.

En orientant les politiques publiques vers la valorisation du travail, en favorisant une meilleure adéquation entre aspirations et emplois, et en rendant le travail plus gratifiant, nous pourrions redonner au travail sa place centrale dans notre société.