Depuis la crise sanitaire, le télétravail est devenu un mode d’organisation incontournable pour de nombreuses entreprises. Pourtant, la tendance actuelle semble s’inverser : des géants comme Amazon, Google ou Slack prônent un retour en 100 % présentiel, laissant de côté les pratiques développées durant la pandémie. Mais ce choix stratégique soulève une question majeure : quel impact sur le climat ?
Le retour en présentiel : une décision contestable sur le plan climatique
En septembre 2024, Amazon a annoncé le retour obligatoire au bureau pour ses 300 000 salariés à partir de janvier 2025. D’autres entreprises, notamment américaines, suivent la tendance, et en France, 83 % des dirigeants envisagent également un retour total au bureau d’ici trois ans, selon une enquête KPMG.
Mais ce choix est loin de faire l’unanimité. Près de 45 % des cadres se disent prêts à démissionner si le télétravail leur est retiré. Le récent mouvement de grève chez Ubisoft France en octobre dernier témoigne également de la résistance des salariés face à une telle politique. Pourtant, au-delà des avantages sociaux et organisationnels, le télétravail constitue un levier efficace pour réduire l’empreinte écologique des entreprises.
Le télétravail et les déplacements : un impact mesurable
Les trajets domicile-travail représentent une part importante des émissions de CO2. En France, environ 70 % de ces déplacements sont réalisés en voiture. Une étude du CRÉDOC (2024) révèle qu’une seule journée de télétravail par semaine permet d’économiser en moyenne 4,6 kg de CO2 par salarié.
Si les entreprises permettaient deux jours de télétravail hebdomadaire, les émissions liées aux déplacements domicile-bureau pourraient diminuer de 10 %, selon le ministère de la Transition Écologique. Une réduction qui s’inscrit directement dans les objectifs de neutralité carbone fixés par l’Accord de Paris.
De plus, le télétravail pourrait encourager des pratiques de mobilité douce, comme le vélo ou les transports en commun, réduisant davantage l’impact environnemental.
Réduire la consommation énergétique des bureaux
Les bureaux sont des espaces énergivores. Éclairages, climatisation, chauffage et équipements informatiques consomment une quantité importante d’énergie. Une étude conjointe de l’ADEME et de l’IFPEB a montré qu’un jour de fermeture hebdomadaire des bureaux pourrait réduire leur consommation énergétique de 20 à 30 %.
Cette optimisation est conditionnée par une gestion intelligente des locaux : fermer totalement les bureaux certains jours ou privilégier des espaces de coworking partagés pour limiter les coûts fixes.
Moins de déchets : une vertu souvent sous-estimée
Outre l’énergie, le télétravail impacte également la production de déchets. Les repas pris à domicile génèrent moins d’emballages que ceux achetés à emporter. De même, les impressions papier et la consommation de fournitures de bureau diminuent considérablement lorsque les salariés travaillent chez eux.
Enfin, des locaux moins fréquentés réduisent les besoins en produits de nettoyage et en consommables, contribuant à une diminution globale des déchets générés par les entreprises.
Répondre aux sceptiques du télétravail : déconstruire les idées reçues
Malgré les bénéfices environnementaux et sociaux évidents, le télétravail fait face à certaines critiques, notamment sur sa prétendue inefficacité énergétique ou ses impacts sur la productivité.
« Le télétravail augmente la consommation d’énergie à domicile »
Certes, un salarié en télétravail consomme davantage d’énergie chez lui. Cependant, chauffer ou éclairer un logement individuel reste bien moins énergivore que la gestion de vastes locaux professionnels. Les entreprises peuvent aussi accompagner les salariés en leur proposant des aides pour optimiser leur consommation énergétique.
« Les salariés utilisent toujours leur voiture pour d’autres déplacements »
Il est vrai que les employés ont des activités personnelles, mais ces trajets sont généralement plus courts que les trajets domicile-travail, souvent effectués en périphérie des grandes villes. Encourager des solutions de mobilité douce, comme des primes pour l’achat de vélos électriques ou des covoiturages, peut réduire ces impacts.
« Le télétravail isole et fait baisser la productivité »
Ce mythe persiste malgré des études montrant que le télétravail, bien encadré, favorise l’autonomie et réduit le stress. Des outils comme les rituels d’équipe virtuels, les formations des managers ou les séminaires hybrides permettent de maintenir le lien humain tout en profitant des avantages du télétravail.
Télétravail et politique RSE : une opportunité à saisir
Intégrer le télétravail dans une politique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est une stratégie gagnante. D’une part, cela répond aux attentes des salariés, qui sont de plus en plus attentifs aux engagements environnementaux de leurs employeurs. D’autre part, cela permet aux entreprises de réduire leur empreinte carbone tout en optimisant leurs coûts opérationnels.
Des mesures concrètes à adopter :
- Fixer des journées de fermeture des bureaux pour réduire la consommation énergétique.
- Promouvoir les mobilités durables avec des aides financières.
- Sensibiliser les collaborateurs aux gestes écoresponsables, y compris à domicile.
Pour les entreprises, le défi est clair : il ne s’agit pas de choisir entre performance économique et durabilité, mais de concilier les deux en repensant les modèles de travail. En plaçant le télétravail au cœur de leurs politiques RSE, elles peuvent devenir des acteurs responsables et visionnaires dans la lutte contre le changement climatique.