Dans un contexte marqué par de multiples incertitudes – économiques, politiques, géopolitiques et environnementales –, les français adoptent une posture de prudence financière. Le dernier baromètre « Les français, l’épargne et la retraite », réalisé par Ipsos et le Cesi pour le Cercle des épargnants, révèle un changement significatif dans les comportements d’épargne. Entre crainte d’un avenir instable et perte de confiance dans les institutions, les ménages privilégient des placements sûrs et renforcent leur épargne de précaution.

 

L’épargne en hausse malgré un pouvoir d’achat sous pression

Alors que l’inflation a marqué le quotidien des français ces dernières années, un phénomène paradoxal s’observe en 2025 : malgré une perception négative de leur pouvoir d’achat, les ménages épargnent davantage. Selon le baromètre, près de 40 % des français prévoient d’augmenter leur épargne cette année, soit une hausse de 8 points par rapport à 2024. Un chiffre nettement supérieur aux 23 % enregistrés en 2017, époque où l’épargne atteignait un point bas.

Cette montée de l’épargne ne traduit pourtant pas une amélioration du bien-être financier. La moitié des français estime toujours que son pouvoir d’achat a baissé en 2024, malgré le ralentissement de l’inflation. La motivation première n’est donc pas l’aisance budgétaire, mais la précaution face aux incertitudes.

 

Prudence avant tout : des placements sécurisés privilégiés

Dans un contexte de méfiance généralisée, les produits d’épargne sûrs sont plus que jamais plébiscités. Le baromètre met en lumière plusieurs tendances :

  • Le livret d’épargne atteint un sommet historique : 84 % des français déclarent détenir au moins un livret d’épargne, en raison des taux attractifs qui ont perduré en 2024. Cependant, la récente baisse du taux du Livret A et du LDDS à 2,4 % en février 2025 pourrait modifier cette dynamique.
  • Une baisse de l’appétit pour le risque : après plusieurs années où les produits risqués séduisaient de plus en plus, cette tendance s’inverse pour la première fois depuis 2019. 49 % des français privilégient désormais les placements sécurisés, contre 33 % seulement pour les placements plus rémunérateurs mais risqués.
  • L’immobilier retrouve un certain attrait : avec la baisse des taux d’intérêt, 13 % des sondés épargnent pour un achat immobilier, un chiffre en hausse de 3 points, notamment chez les moins de 35 ans.

Cette aversion grandissante pour le risque témoigne d’un climat anxiogène dans lequel les ménages préfèrent préserver leur capital plutôt que chercher la performance.

 

Retraite : une inquiétude qui refait surface

Si les français épargnent avant tout par précaution, la préparation de la retraite reste une préoccupation majeure.

  • 77 % des français se disent inquiets pour l’avenir du système de retraite, un chiffre en hausse de 11 points en un an.
  • 58 % des actifs se déclarent préoccupés par leur propre retraite, soit 8 points de plus qu’en 2024.

La démographie déclinante et les perspectives incertaines du système de répartition alimentent ces craintes. Face à cela, l’attrait pour la retraite par capitalisation progresse, avec une hausse notable de l’intérêt pour le Plan d’épargne retraite (PER).

Cependant, les solutions envisagées pour réformer le système restent sujettes à débat :

  • 49 % des Français accepteraient une hausse des cotisations,
  • 35 % seraient d’accord pour repousser l’âge de départ,
  • 15 % seulement envisagent une baisse des pensions comme une option acceptable.

Les non-retraités affichent une vision bien plus pessimiste de leurs futures ressources que les retraités actuels : 59 % estiment qu’ils n’auront pas assez pour vivre, contre 37 % des retraités actuels.

 

Défiance et repli sur soi : un climat de méfiance généralisé

Le baromètre révèle également une montée de la défiance envers les institutions et les médias. Alors que l’éducation financière progresse, les français se fient davantage à leurs proches qu’aux médias spécialisés pour gérer leur épargne.

Cette méfiance s’étend aussi à l’investissement socialement responsable (ISR), perçu comme du greenwashing par 74 % des sondés. Près d’un français sur deux doute même de l’impact environnemental réel de ces placements.

Face à un contexte incertain, les ménages privilégient les placements sûrs, renforcent leur épargne de précaution et cherchent des solutions pour sécuriser leur retraite. Cette prudence accrue, bien que bénéfique pour la stabilité financière des ménages, pourrait toutefois peser sur la consommation et ralentir la reprise économique.

La défiance envers les institutions et la finance responsable montre également qu’un travail de transparence et de pédagogie reste nécessaire pour restaurer la confiance des épargnants.