Prévue pour entrer en vigueur en mars 2025, la réduction du seuil d’exonération de la TVA de 37 500 à 25 000 euros a finalement été suspendue par le ministre de l’Économie, Eric Lombard. Cette décision, prise dans un climat de forte contestation, ouvre la voie à une concertation nationale sur l’avenir fiscal des travailleurs indépendants.
Un seuil réduit, une contestation amplifiée
L’abaissement du seuil d’exonération de TVA visait à obliger les micro-entrepreneurs à facturer la TVA dès 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel, contre 37 500 euros auparavant. Cette mesure, intégrée au budget 2025 et adoptée au Sénat, devait rapporter environ 700 millions d’euros à l’État selon les estimations de Bercy. Toutefois, cette perspective de recettes fiscales accrues a été rapidement éclipsée par une levée de boucliers des principales parties prenantes.
Artisans, commerçants, professionnels libéraux : tous ont exprimé leur mécontentement face à une réforme jugée pénalisante. La franchise de TVA, jusqu’alors, permettait à ces micro-entrepreneurs d’offrir des prix plus compétitifs en évitant d’appliquer une taxe de 20 % sur leurs prestations. La réduction du seuil aurait non seulement alourdi leur charge administrative, mais aussi réduit leur compétitivité.
Les réactions politiques : une fronde parlementaire en préparation
La contestation ne s’est pas limitée aux seuls travailleurs indépendants. Sur le plan politique, l’opposition s’est rapidement organisée. Le député Hadrien Clouet (LFI) a annoncé son intention de déposer une proposition de loi pour annuler la mesure. De son côté, Éric Coquerel, président LFI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, a indiqué qu’une correction de cette disposition budgétaire pourrait être envisagée dans les mois à venir.
Cette mobilisation pourrait transcender les clivages politiques traditionnels. En effet, plusieurs élus, y compris en dehors des rangs de La France insoumise, ont exprimé leurs réserves quant à l’impact de cette réforme sur les petites entreprises. Cependant, même si une majorité favorable à l’annulation de la mesure émerge à l’Assemblée Nationale, le Sénat, dominé par la droite, pourrait s’opposer à cette initiative. De plus, le gouvernement, soucieux de maintenir ses prévisions de recettes fiscales, pourrait exercer des pressions pour conserver la mesure.
Les enjeux économiques : entre rentabilité et charge administrative
Pour de nombreux auto-entrepreneurs, cette réforme représentait une menace directe pour leur modèle économique.
En imposant la TVA dès 25 000 euros de chiffre d’affaires, beaucoup craignaient de devoir augmenter leurs prix, risquant ainsi de perdre des clients face à des concurrents non soumis à cette taxe.
De plus, la gestion de la TVA implique des obligations comptables supplémentaires, souvent complexes pour des travailleurs indépendants qui privilégient la simplicité administrative de leur statut.
Certains experts s’inquiètent également des effets pervers de cette mesure. En effet, il n’est pas rare que des micro-entrepreneurs choisissent de limiter volontairement leur chiffre d’affaires pour rester en dessous du seuil d’exonération, évitant ainsi les complications liées à la TVA. Ce phénomène pourrait freiner la croissance de nombreuses petites entreprises et limiter leur contribution à l’économie nationale.
La concertation comme solution
Face à cette contestation généralisée, le ministre de l’Économie a annoncé la suspension de la mesure « le temps d’une concertation ». Cette pause dans la mise en œuvre de la réforme pourrait permettre aux différentes parties prenantes de faire entendre leur voix et de proposer des solutions alternatives.
L’objectif de cette concertation sera de trouver un équilibre entre les besoins de recettes fiscales de l’État et la nécessité de préserver la compétitivité des micro-entrepreneurs. Plusieurs pistes pourraient être envisagées, comme un relèvement progressif du seuil ou la mise en place de dispositifs d’accompagnement pour aider les auto-entrepreneurs à gérer la transition vers la facturation de la TVA.
Entre besoins budgétaires de l’État et défense des petites entreprises, la recherche d’un compromis s’annonce complexe mais essentielle pour préserver le dynamisme de l’auto-entrepreneuriat.