Chaque année en France, près de 500 000 femmes entrent en ménopause, ce qui représente environ 14 millions de femmes concernées aujourd’hui. Malgré tout, la ménopause reste largement absente des politiques de santé publique et de santé au travail. Ses symptômes – bouffées de chaleur, troubles de l’humeur, fatigue chronique, migraines, entre autres – affectent pourtant directement la qualité de vie au travail de nombreuses femmes.

 

Un sujet méconnu, même par les professionnels de santé

La ménopause marque une étape physiologique naturelle dans la vie des femmes, caractérisée par l’arrêt de la production d’œstrogène et de progestérone. Si elle survient en moyenne à 51 ans, elle peut aussi toucher des femmes plus jeunes en cas d’insuffisance ovarienne précoce.

Une des principales causes du silence autour de la ménopause réside dans un déficit de sensibilisation et de formation, aussi bien auprès des professionnels de santé que du grand public. Ce manque d’information découle, en partie, de l’impact d’une étude américaine controversée publiée en 2002, qui avait remis en cause les bénéfices du traitement hormonal de la ménopause. Depuis, peu de médecins sont formés pour reconnaître les symptômes de la ménopause ou proposer des traitements adaptés.

Les conséquences sont telles que les femmes elles-mêmes peinent à identifier certains de leurs symptômes comme étant liés à cette transition. Ce déficit de prise en charge alimente le sentiment d’isolement et une crainte de stigmatisation, particulièrement en milieu professionnel.

 

Repenser les normes du travail pour l’égalité

Historiquement, les normes du travail ont été établies autour du modèle masculin, ignorant les spécificités physiologiques féminines. Menstruations, maternité, et maintenant ménopause : autant de réalités longtemps invisibilisées. Comme le souligne Laetitia Vitaud, experte du futur du travail, « le standard au travail est celui du corps masculin », ce qui marginalise les besoins des femmes.

Un sondage Harris Interactive (2022) révèle que près de deux tiers des managers sont mal informés sur la ménopause et ses impacts. Ce manque de connaissances peut engendrer une dévalorisation des femmes concernées, renforçant des stéréotypes négatifs liés à l’âge et au genre.

 

Sexisme et âgisme : une double peine pour les femmes

Le vieillissement féminin, contrairement à celui des hommes souvent valorisé comme signe de sagesse, est souvent perçu négativement. Cette perception affecte directement la trajectoire professionnelle des femmes. À l’approche de la ménopause, elles font face à une double stigmatisation : le sexisme et l’âgisme. Ces discriminations freinent leur progression dans la hiérarchie et renforcent les inégalités économiques et salariales.

Paradoxalement, cette étape pourrait aussi être l’occasion d’une nouvelle forme de libération professionnelle. Pour certaines, la ménopause marque la possibilité de s’affranchir des attentes sexualisées imposées aux femmes plus jeunes, et de se recentrer sur leurs compétences.

 

Pourquoi les entreprises doivent s’engager

En France, rares sont les entreprises qui ont intégré la question de la ménopause dans leurs politiques RH. Pourtant, des initiatives à l’international, comme les congés pour symptômes de la ménopause proposés par Publicis en Australie ou la Bank of Ireland, montrent l’exemple.

Cependant, toutes les expertes ne s’accordent pas sur la pertinence de ces mesures.

Pour la professeure Florence Trémollières, endocrinologue et gynécologue, aménager le temps de travail pour les femmes ménopausées pourrait renforcer la stigmatisation. Elle privilégie des approches favorisant la libération de la parole et la sensibilisation à tous les niveaux de l’entreprise, notamment parmi les managers et les DRH.

 

Des solutions inclusives pour un bien-être global

Au lieu de créer des dispositifs spécifiques, certaines expertes plaident pour des mesures profitant à l’ensemble des équipes. Ces initiatives incluent :

  • Flexibilité du télétravail pour mieux gérer les symptômes ponctuels.
  • Amélioration de l’ergonomie des espaces de travail, avec des salles de pause et des espaces bien ventilés.
  • Promotion de la santé générale, avec des conseils sur l’alimentation, le sommeil, l’activité physique et la gestion du stress.

Ces démarches permettent de répondre aux besoins des femmes ménopausées sans les marginaliser, tout en améliorant les conditions de travail pour tous.

La ménopause au travail est bien plus qu’un enjeu de santé : c’est une question d’égalité professionnelle et de bien-être collectif. Pour progresser, il est essentiel de briser les tabous, de sensibiliser l’ensemble des acteurs et d’intégrer cette réalité dans les politiques de santé et de diversité.