Depuis le 1er janvier 2025, la réforme France Travail est officiellement entrée en vigueur, redéfinissant les contours de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Au cœur de cette réorganisation, les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) voient leur parcours d’insertion profondément modifié. Derrière l’objectif affiché d’un meilleur suivi, la question des sanctions en cas de manquement aux obligations interroge : assiste-t-on réellement à un durcissement des règles, ou à une révision plus nuancée ?
Une réforme structurante encore en construction
La réforme France Travail vise à créer un guichet unique pour tous les demandeurs d’emploi, qu’ils soient indemnisés ou non, en centralisant l’action de Pôle emploi, des missions locales, de Cap emploi et des conseils départementaux. L’un de ses axes majeurs est l’obligation faite aux bénéficiaires du RSA — désormais appelés BRSA — de s’inscrire à France Travail afin de bénéficier d’un accompagnement personnalisé, encadré par un contrat d’engagement.
Cependant, plusieurs décrets d’application de la loi « plein-emploi » de décembre 2023, essentielle pour la mise en œuvre complète de la réforme, sont encore attendus. Parmi eux, celui qui précisera le nouveau barème des sanctions applicables en cas de non-respect des obligations contractuelles.
Des sanctions plus claires… mais pas forcément plus dures
Le document transmis par le ministère du Travail aux conseils départementaux, et récemment révélé par la presse, lève le voile sur les premières orientations de ce barème. Le principe général reste inchangé : toute personne percevant le RSA doit s’engager à suivre un parcours d’insertion, incluant 15 heures d’activité hebdomadaire, sous peine de suspension ou suppression de son allocation.
Ce qui change, c’est la graduation des sanctions :
- En cas de premier manquement, une suspension partielle ou totale (30 % à 100 %) du RSA pourra être décidée pour une durée d’un à deux mois. À l’heure actuelle, seule la suppression est prévue, sans seuil minimal, et peut aller jusqu’à 80 % de l’allocation.
- En cas de récidive ou de persistance, la sanction pourra s’étendre sur une période de un à quatre mois, avec une amplitude toujours comprise entre 30 % et 100 %.
La nouveauté importante réside dans la logique de « suspension remobilisation » : si la personne concernée régularise sa situation avant la fin de la période de suspension, les montants gelés pourront être récupérés, dans une limite de trois mois. Un dispositif qui privilégie l’incitation plutôt que la punition.
Des garde-fous pour limiter les effets excessifs
Afin d’éviter des conséquences trop brutales, certaines limites ont été posées. La ponction maximale sera limitée à 50 % du montant du RSA pour les foyers comprenant plusieurs personnes. En cas de suppression totale de l’allocation sur quatre mois, celle-ci s’accompagnera également d’une radiation de la liste des demandeurs d’emploi, sauf si la personne concernée s’est mise en conformité.
De plus, des procédures contradictoires sont prévues avant toute décision, avec un délai de réponse laissé au bénéficiaire allant de 10 à 30 jours. Ces dispositions répondent aux critiques émises par plusieurs instances, dont le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui redoutent un durcissement précipité et contre-productif.
Une efficacité encore incertaine
Malgré la volonté de mieux encadrer les sanctions, plusieurs voix s’élèvent pour questionner leur efficacité réelle. Certains professionnels du secteur estiment que les seuils envisagés sont trop élevés : « Suspendre 10 % du RSA, ce serait déjà dissuasif », affirme un expert. Selon lui, des sanctions plus légères, mais plus systématiquement appliquées, auraient davantage de portée que des sanctions lourdes, souvent écartées par les conseillers par crainte de déstabiliser les bénéficiaires.
Autre problème soulevé : les délais contradictoires jugés trop courts pour permettre une réelle remobilisation des BRSA. Le risque est de sanctionner des personnes déjà en grande précarité, sans leur donner le temps nécessaire pour ajuster leur comportement ou faire valoir leurs droits.
Des enjeux sociaux et économiques
En 2023, 1,8 million de personnes ont perçu le RSA, pour un montant total de 11,6 milliards d’euros (source : CAF). La réforme vise donc un levier à la fois social et budgétaire, avec la volonté d’améliorer l’insertion professionnelle tout en maîtrisant les dépenses publiques. Reste à savoir si les nouveaux dispositifs trouveront un équilibre entre exigence et accompagnement, et s’ils permettront réellement de mieux insérer les bénéficiaires dans l’emploi durable.